Nomades, caravaniers, koutchis, maldars,..
chez Edouard Stiegler (1981)
Voici la réponse rétroactive d'Alain Canneel, instructeur de marche afghane en Belgique et auteur, à une participante qui, lors de sa conférence, «L'évolution d'Edouard Stiegler 1981-1985» tenue le 29 mai 2024 dans le cadre des Conférences MAQ, l'interrogeait quant à la différence entre nomades afghans «koutchis» et «maldars. Réponse reçue par courriel dont nous faisons profiter avec gratitude l'ensemble des personnes intéressées.
«Sont ci-annexés les passages du premier livre d'Edouard Stiegler (1981) où apparaissent les termes ci-dessus. Il semble s'en dégager que l'appellation Koutchis désigne tous les Afghans nomades. Parmi ceux-ci, certains sont des éleveurs, propriétaires de troupeaux, qui pratiquent le pastoralisme, d'autres sont des marchands qui se déplacent en caravanes entre l'Afghanistan et le Pakistan. Ces derniers, tout en étant nomades et Koutchis, sont spécifiquement appelés Maldars. Ce sont ces Maldars que Stiegler a observé: "J’ai observé surtout les Maldars, les caravaniers marchands, – transporteurs de marchandises sur de grandes distances, – à l’exclusion de ceux qui poussent leurs troupeaux au gré des pluies, là où il y a des pâturages".
«La citation suivante esquisse (passage surligné en jaune) cette distinction entre nomades pasteurs et nomades marchands. Tous seraient des Koutchis, seuls les seconds seraient des Maldars.»
Kuchi means ‘nomad’ in the Dari (Persian) language. Kuchis are Pashtuns from southern and eastern Afghanistan. They are a social rather than ethnic grouping, although they also have some of the characteristics of a distinct ethnic group. Though traditionally nomadic, many have been settled in northwestern Afghanistan, in an area that was traditionally occupied by Uzbeks and Tajiks, after strong encouragement by the Taliban government. Nowadays only a few thousands still follow their traditional livelihood of nomadic herding. Others have become farmers, settled in cities or emigrated. The largest population of Kuchis is probably in Registan, the desert in southern Afghanistan.
The Kuchis constitute an important part of Afghanistan’s cultural heritage. For centuries, they have migrated across the country in a search of seasonal pastures and milder weather. They were the main traders in Afghanistan, connecting South Asia with the Middle East. The livestock owned by the Kuchis made an important contribution to the national economy. They owned about 30 percent of all the sheep and goats and most of the camels. Traditionally they exchanged tea, sugar, matches etc. for wheat and vegetables with settled communities. They also acted as moneylenders and offered services in transportation along with additional labour at harvest time. Kuchis have been greatly affected by conflict, drought and demographic shifts. Therefore, it is only a small number of Kuchis who still follow their traditional livelihood of nomadic herding. Despite their history and their traditional resources, the chronic state of instability in Afghanistan has left them among the poorest groups in the country.
https://minorityrights.org/communities/kuchis/#:~:text=The%20Kuchis%20constitute%20an%20important,Asia%20with%20the%20Middle%20East.
Edouard G. Stiegler
Régénération par la marche afghane
Moulin l’Evêque (Morbihan) 21 mai 1981
© Editions de la Maisnie, 1981
EXTRAITS
[page 11]
Je ne suis pas allé en Afghanistan pour les observer comme on observerait des cobaye dans un laboratoire, mais pour remplir une missiond’assistance économique [comme Chef de Projet aux Nations Unies – v. quatrième page de couverture de son livre publié en 1989, Marcher, respirer, vivre, possiblement à la F.A.O., l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture]. Au cours de mes voyages à travers le pays, j’ai eu l’occasion, cependant, d’étudier de très près le comportement des nomades, surtout pendant leurs déplacements. Je l’ai fait en tant qu’adepte convaincu, depuis plus de vingt années, des doctrines, conseils et pratiques d’Hanish1. Celui-ci, le premier, a exposé de façon systématique les effets salutaires des exercices respiratoires venus de l’ancienne tradition de la Perse Zoroastrienne.
[page 13]
En des temps très anciens, l’Iran englobait l’actuel Afghanistan, formait avec lui la Perse Zoroastrienne, où naquit Zoroastre, voilà 2 500 ans.
[page 17]
Les nomades, au nombre incertain de près d’un million, dont les trois-quarts Pashtouns, sont appelés Koutchis, "ceux qui partent, s’en vont". Plus de la moitié vit à l’état semi-nomade, hiverne en plaine [...]. Plusieurs dizaines de milliers circulent entre le centre et le Pakistan. Parmi ces derniers, au cours d’un séjour d’une année en Afghanistan, transporteurs de marchandises sur de grandes distances, – à l’exclusion de ceux qui poussent leurs troupeaux au gré des pluies, là où il y a des pâturages.
[pages 19-22]
C’est à Ghazni, sur le chemin des grandes caravanes Maldars, que j’ai rencontré mes premiers nomades, les Koutchis. [...] Ayant arrêté ma voiture sur la bas-côté de la route, j’ai vu passer pour la première fois, très près de moi, une trentaine de caravaniers qui marchaient à côté de leur monture, à vive allure. Les hommes, la plupart d’âge moyen, le visage buriné, le regard fixé à quelques mètres devant eux, parfois vers l’horizon, avançaient en tenant leurs dromadaires par le licol, cheminant à pas réguliers, larges et rapides, avec une ardeur que rien ne semblait devoir faire fléchir. Absorbés en eux-mêmes, résolus comme leurs bêtes surchargées de ballots énormes, j’appris par un passant qui parlait leur langue qu’ils venaient du sud, un voyage de 700 km, d’une seule traite, à part les bivouacs nocturnes. Ils offraient le spectacle de grands voyageurs poussiéreux, mais non celui de gens fatigués. Ghazni, pourtant, est déjà à une attitude de plus de 2 000 m.
C’est à partir de ce jour-là que ma curiosité fut piquée. Comment étaient-ils donc bâtis ? Mon sens d’observation, mis en alerte, devint plus aigu. Ce ne fut pas, heureusement, ma seule expérience.
Quelques jours plus tard, sur la route qui va de Kaboul à Charikar, dix kilomètres après la capitale, j’ai dépassé en voiture un caravanier aisément reconnaissable. Il cheminait seul, à côté d’un grand dromadaire, particulièrement chargé, sans qu’il fut guère possible de savoir ce qu’il pouvait bien transporter. Il était alors onze heure et demi du matin. Dans le courant de l’après-midi, un peu avant dix-sept heures, sur la chemin du retour, j’ai croisé à nouveau cet homme. Il avançait toujours aussi résolument. Nous étions à 48 km de Kaboul. L’homme avait donc parcouru 38 km en un peu moins de 6 heures. Ma curiosité augmenta. Je me mis, à partir de ce moment, à observer très attentivement la façon de respirer des nomades, chaque fois que je le pouvais.
Vers la mi-octobre, ma tâche fut facilitée. L’air froid, la formation de vapeur d’eau, – lors des temps d’expiration, – me fournirent des points de repère assez commodes pour analyser la synchronisation de la marche et de la respiration. Je n’ai jamais songé à engager un interprète, ni un guide, pour entrer vraiment dans l’intimité des caravaniers nomades.
J’avais été informé du fait que l’entreprise eut été certainement difficile, sinon impossible à réaliser, tout au moins au plan assez spécial qui était le mien. Aussi, à partir du moment où j’ai pu vérifier l’essentiel de ce qui m’intéressait le plus il ne m’a pas semblé utile, ni nécessaire, de paraître importun comme le sont parfois tant d’étrangers lorsqu’ils circulent en Afghanistan. La réserve des nomades est extrême. Bien peu ont réussi à en franchir les limites. [...] Les rythmes de respiration que j’ai recueillis s’apparentent à la tradition rapportée par Hanish. Je les ai essayés sur toutes sortes de parcours, en Afghanistan et ailleurs, sur des chemins plats, montants et descendants, à toutes sortes d’altitudes, comme je l’avais vu faire par les nomades que j’avais pu observer. J’ai signalé ces rythmes à des amis, là-bas, devenus depuis lors des adeptes de ce que je me suis permis d’appeler la marche afghane. [...] Les résultats obtenus, aux plans physique, mental, spirituel, nerveux, ont été tellement convaincants, ont permis à tant de nouveaux adeptes, ailleurs, de retrouver une vitalité accrue, le sommeil réparateur, une résistance nouvelle, le bien- être corporel, et la paix intérieure, [qu’on] insista pour que j’essaye de présenter de façon systématique ce qui constitue un moyen de suroxygénation naturelle. Supérieur, dans bien des cas, aux avantages que l’on peut retirer des exercices respiratoires tels que les préconisent les divers yogas et l’ensemble des gymnastiques, qu’elles soient correctives, assouplissantes, suédoises, américaines ou françaises. [...] Il vous suffira, au début, de pratiquer la synchronisation de la marche et des exercices respiratoires au cours des actes de votre vie quotidienne, en vous rendant, par exemple, à la station de métro ou d’autobus la plus proche – si vous ne voulez pas ou ne pouvez pas faire mieux. L’essentiel est de commencer.
[page 79]
Hommage à Hanish. Le Docteur Hanish, né en 1844 à Téhéran, élevé en Iran, mort à Los Angeles en 1936, était d’origine slave (selon certains de ses biographes). Il fut un homme hors du commun. Ses exercices de respiration, qui viennent sans doute de la tradition de la Perse Zoroastrienne, et sont représentés par les statues ou bas-reliefs de l’époque Pharaonique, font incontestablement évoluer les adeptes vers une vie libérée d’une foule de contingences négatives. Il en va de même pour ses doctrines de maîtrise vertébrale. Il ne sera pas parlé ici de ces doctrines et exercices. Elles appartiennent au livre d’Hanish 2 [...].
J’exprime ici toute ma reconnaissance au Docteur Hanish pour ce que j’ai appris par la voie de son livre.
1 L’Art de la Respiration, Editions Mazdéennes, Paris. Edition originale en anglais, sous le titre "Breath and Health" [lire "Health and Breath Culture"], Chicago, 1902.
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2 L’Art de la Respiration, Editions Mazdéennes, Paris. Edition originale en anglais: «Breath and Health», Chicago, 1902.